Les
récipients de chauffe sont utilisés pour mélanger et/ou chauffer la solution à
injecter. S’ils ne peuvent avoir accès à des récipients stériles, les usagers
de drogues utilisent généralement des cuillères ou des cannettes (Scott, 2008).
Ces outils étant non stériles, ils peuvent contenir des bactéries ou des
champignons, ainsi que des résidus d’autres liquides. Il est donc recommandé
d’utiliser des récipients de chauffe stériles et à usage unique pour préparer
des solutions contenant des drogues.
Partage
La
réutilisation des récipients est très commune parmi les usagers de drogues
injectables (Debrus, 2008;Needle et al., 1998). De plus, en fonction du
contexte, des connaissances, de la culture et de l’accessibilité à des
récipients appropriés, ceux-ci sont partagés par 16 à 65% des usagers
(Cadet-Taïrou, 2012; Huo et al., 2005;Strike et al., 2010). Plusieurs
études ont montré que parmi les outils de réduction des risques existant, les
récipients de chauffe sont les plus fréquemment partagés (Koester et al., 1990;
Thorpe et al., 2002; Latkin et al., 2010; Strike et al., 2010); de plus,
les usagers de drogues injectables tendent à penser que le partage de
récipients est moins risqué que le partage de seringues (Latkin et al., 2010).
Les
récipients peuvent être partagés soit par une personne après l’autre, soit pour
préparer un plus grand volume de produit pour plusieurs personnes. Plus le
récipient est grand, plus le risque qu’il soit utilisé pour une préparation
collective l’est également. Il faut donc être attentif à fournir le récipient
le plus petit possible pour la préparation d’une drogue donnée (certaine
drogues, en particulier les médicaments non conçus pour être injectés, demande
de plus grand volumes pour être dissoutes). Le Stericup a un volume de 2,5 ml,
et peut donc être utilisé pour préparer des solutions jusqu’à 1,5ml. Le Maxicup
a quant à lui une capacité d’environ 5ml et peut être utilisé pour préparer
aisément des solutions jusqu’à 4ml.
En plus
du partage "volontaire” (parfois dû au manque d’équipement disponible)
plusieurs situations peuvent amener à des épisodes de partage accidentel. La
présence d’une grande quantité d’outil lors d’une session d’injection de groupe
peut, par exemple, provoquer une certaine confusion. Il peut être difficile de
se rappeler quel récipient appartient à qui, d’autant plus lorsqu’on est sous
l’influence d’une drogue psychoactive. Un sondage organisé en France (Debrus,
2008) a montré que la grande majorité des usagers de drogues injectables (85%) a
déjà pratiqué une injection en présence d’autres injecteurs, et que 45% d’entre
eux avait déjà eu des doutes quant au propriétaire de l’équipement utilisé.
Ainsi, la distribution d’outils de différentes couleurs peut aider les usagers
à différencier le matériel utilisé. Comme la réutilisation semble être plus la
règle que l’exception, les couleurs permettront aux usagers d’au moins
réutiliser leur propre matériel. Les couleurs constituent également un support
visuel aux messages de prévention sur le partage des outils de réduction des
risques.
Risques associés au partage des récipients de
chauffe
Virus transmissibles
par le sang
La présence du VIH a été détecté sur 14 à 54% des récipients de chauffe usagés (Shah et al., 1996). Sur le terrain, l’association entre le partage des récipients de chauffe et la transmission du VIH a également été démontrée. Les personnes séropositives sont plus susceptibles d’avoir partagé des récipients que les personnes séronégatives (Vlahov et al., 1997). La majorité des recherches effectuées ne différencient pas les récipients de chauffe des autres matériels comme les filtres et l’eau utilisée pour l’injection. McCoy et al. (1998) ainsi que Faran et al. (1998) ont tous les deux trouvé une forte corrélation entre le partage de matériel (récipients de chauffe, eau ou filtres) et la transmission du VIH.
Chauffer la solution pendant plus de 15 secondes peut rendre le VIH inactif (Clatts ea, 1999). Les mêmes auteurs recommandent l’utilisation de récipients de chauffe fins qui atteignent la température d’inactivation le plus rapidement possible, peu importe le volume ou la source de chaleur.
La corrélation entre le partage de récipient de chauffe et la contamination par l’hépatite C a été confirmée par plusieurs études épidémiologiques. Le partage de récipients de chauffe peut même être un facteur prédominant de séroconversion du HCV. Pouget et al (2012), dans une méta-analyse de sept publications scientifiques sur la séroconversion en relation avec le partage de récipients de chauffe, ont trouvé un risque relatif de 2,42.
Une étude mesurant la séroconversion du VHC parmi une cohorte de 317 habitants de Seattle usagers actifs de drogue par injection et qui avaient été testés négatifs aux anticorps du VHC au moment de leur recrutement, a démontré que ceux qui avaient partagés leurs récipients de chauffe et leurs filtres (mais pas leurs seringues) avaient un risque relatif de séroconversion du VHC d’un facteur 5.9. Il a été déterminé que 54% des infections par le VHC au sein de ce groupe était lié au partage des récipients de chauffe et des filtres.
Au contraire de ce qui se produit avec le VIH, chauffer la solution lors d’une préparation de drogues injectables ne rendra pas inactif le virus de l’hépatite (Song et al., 2010).
Autres
risques
Tout
récipient de chauffe non stérile (fabriqué et/ou réutilisé), même lorsqu’il
n’est pas partagé peut être contaminé par des bactéries. Les bactéries
présentes dans le matériel d’injection et de préparation, lorsqu’elles sont
injectées, peuvent conduire à des infections potentiellement mortelles, comme
des abcès, de la cellulite bactérienne, des infections des os et des
articulations ou encore des endocardites (Gordon and Lowy, 2005)
Recommandations
Le fait de fournir des récipients
de chauffe à usage unique réduit potentiellement la transmission des virus transmissibles
par le sang et d’autres infections et améliore l’hygiène des préparations
injectables. Strike et al (2013) donnent dans leur ouvrage plusieurs
recommandations que nous avons complétées ici
Fournissez des récipients de chauffe stériles,
avec une poignée résistante à la chaleur, dans des emballages individuels
Pour réduire la contamination, un nouveau
récipient de chauffe devrait être utilisé à chaque injection. Les récipients
devraient donc être distribués dans la quantité demandée par les usagers de
drogues injectables, sans limite de nombre.
Les usagers devraient être encouragés, mais non
obligés, à disposer de leur matériel d’injection usagé dans des programmes
d’échange de seringues
Il faut savoir que les méthodes de nettoyage des
récipients de chauffe peuvent réduire le nombre de pathogènes présents mais
seront incapable de détruire les germes ou les virus à 100%
Mettez à disposition des récipients de taille
convenant aux usagers, mais informez-les des différences entre les outils et
orientez-les vers l’option la moins dangereuse
Encouragez les usagers à utiliser le plus petit
récipient possible en fonction de la drogue qu’ils souhaitent s’injecter, et
donnez-leur des conseils pour réduire ou éviter la préparation en groupe. Le
Stéricup est plus petit que le Maxicup et devrait lui être préféré si possible
Fournissez des récipients de chauffe fins, pour
éviter la réutilisation et pour augmenter la température de chauffe
Fournissez des récipients de différente couleur
pour rappeler aux usagers qu’ils sont destinés à un usage personnel, et pour
leur permettre de pouvoir reconnaitre le leur, même dans des situations
difficiles
Donnez des informations de réduction des risques
liées à l’utilisation de récipients de chauffe et exposez les risques associés.
Mettez à disposition d’autres outils de
réduction des risques comme des seringues, des filtres, de l’eau stérile pour
préparation injectable et des tampons alcool.
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